Point a 16h30
- Position: 06°41'N 25°00'W
- Cap 184°
- Distance parcourue: 648 NM
- Vent SUD-EST 14 noeuds

J'arrive à la fin du quart d'Alain, soit 4 heures du matin, le vent est tombé et Alain s'apprête à réveiller le skipper pour lui signaler le besoin de remettre les moteurs et Damien qui prend son quart à sa suite. Comme hier soir c'est le moteur tribord qui à tourné (rappelez vous !), je m'attends a entendre le moteur démarrer d'un instant à l'autre étant dans la cabine bâbord arrière. C'est d'ailleurs en traversant ma cabine et ensuite ma "salle de bain" que l'on peut entrer dans la cale moteur (qui comporte un moteur de 41cv, un groupe électrogène, une partie du pilote automatique et autres babioles). Le moteur démarre donc, j'entends le skipper le monter en régime, puis le descendre, puis le remonter à fond, bref je sens que quelque chose ne tourne pas rond. Quelques instants plus tard, le skipper traverse ma cabine, une lampe torche à la main, j'ai le temps de lui demandé à son retour si il y a un problème, oui ! le moteur ne monte pas en régime... m**rde alors, c'est important un moteur, c'est chiant un problème etc... mais bon on est sur un cata et il y a l'autre moteur donc dans le pire des cas .... même si dans mon semi coma (je suis en train de me rendormir) je n'envisage pas une panne de moteur. Je m'endors profondément.. je sens bien dans mon sommeil que des gens passent dans ma cabine, vont dans la cale moteur, en ressortent, discutent, ce qui est bien anormal à 5 - 6 heures du matin. Je sens bien aussi que mon heure de quart est arrivée mais que personne ne m'a réveillé, mais mon sub-conscient est bien endormi et ne déclenche pas le réveil de la bête (moi !).

Bricolage serieux: faconage de piece en bois

C'est lorsque j'ai entendu des bruits de scie électrique, de marteau et une intensification du "rafus" que mon inconscient à déclenché le réveil. Je monte donc sur le pont, non sans être étonné de voir la cale moteur de ma cabine ouverte. Je trouve sur le pont un véritable atelier de bricolage/menuiserie, de la sciure de bois par terre, des plans et schémas sur la table, des gros morceaux de bois travaillés... mon dieur que se passe t il ? Le skipper et Damien continuent de travailler, de discuter sur la manière de résoudre leurs problèmes. Damien à usiné une pièce en bois pour réparer un élément vital du bateau, j'émerge de plus en plus (je suis long au réveil). Le premier problème du sous régime du moteur leur en à fait voir un deuxième éminemment plus important. La transmission de la barre est sur le point de casser et pour réparer il leur a fallut créer (usiner) une pièce avec du bois.

Pendant que Damien usinait sa pièce, le skipper en a profité pour alerter par email le comité d'organisation (Patrick) que Marie-Soizic faisait face à une avarie importante et que nous étions en phase de réparation. Patrick nous à rappelé très rapidement sur l'Iriduim pour savoir si on avait besoin d'assistance, merci Patrick. Sur le coup de 10 heures du mat, le problème est réglé, l'ensemble de transmission barre/méche/safran est solidifié, l'équipage plus serein, le skipper aura tout de même à faire faire une réparation plus sérieuse (peut être pas en bois) une fois arrivée à Salvador.

L'oeuvre de Damien

Ceux qui suivent auront compris que nous avons résolut un problème, mais que le problème initial, celui du sous régime moteur, n'était pas encore abordé. C'est donc à partir de 10h que l'on s'est occupé du moteur bâbord, soit 6 heures après la découverte de ce sous régime. Le skipper ne semble pas inquiet car le moteur fonctionne, la manette de gaz obéit, c'est juste qu'il n'arrive pas a dépasser les 2500 tours minutes. Il manquerait donc de puissance sur le moteur bâbord si le besoin s'en faisait sentir. Très rapidement notre skipper trouve l'origine de cette baisse de régime: c'est le fuel ! La qualité du gazoil chargé à Dakar était très médiocre, on voyait des éléments en suspensions, ces éléments ont du encrasser le filtre est le débit est donc moindre, le moteur reçoit moins de fuel et ne peut donc pas monter en régime.. c'est simple.. mais maintenant qu'est ce qu'on fait ? On attend un peu, on laisse le filtre s'encrasser encore un peu et on le changer, on a tout le matos a bord pour changer les filtres (y compris des filtres)... bref sa rassure tout le monde et la tension descend un peu, surtout que le vent revient que que l'on se remet ou voiles seules et que l'on avance bien à 8 noeuds maintenant.

On prépare donc le petit-déjeuner (tranches de jambons de pays, etc..) et l'on se remet tranquillement des émotions de la nuit et du matin. Damien remet ses lignes à l'eau.. et quelques minutes plus tard on attrape deux belles dorades coryphènes. Ces dorades sont plates, avec une énormes tête en forme de sonar (un peu comme l'avion Beluga qui transporte les airbus en pièces détachés). Mais la particularité de la dorade coryphène est de changer de couleur, dans l'eau, juste avant de la remonter, elle est bleue et blanche, en la sortant elle vire au jaune puis au vert, c'est un spectacle hallucinant et de toute beauté, cela ne dure que 10 minutes, même pas, puis on les remet à l'eau car il nous reste de la bonite et on veut pas les garder car il faudra à un moment jeter soit un bout de bonite, soit un bout de dorade... on attendra 2 jours avant de garder de nouveau la pêche. C'était ma 5eme prise sur ce bateau et ma deuxième depuis le début de la transat.

Dorade coryphene

Il est maintenant 13h, tout le monde se repose, j'en profite pour écrire ce journal de bord, on va bientôt passer à table. Le tuyau de douche de la jupe arrière vient de se rompre inondant la cale moteur tribord, mais c'est mineur comme incident comparé aux autres de ce matin. Mais sinon cela aurait été l'affaire de la journée.

Pour midi je prépare des steak de bonite (qui à dit encore ?) et des haricots verts... pendant le repas on se prend un beau grain... ca y est nous rentrons dans la zic, il est 15h30. La zic ? kezako se truc là ? c'est la Zone Intertropicale de Convergence, autrement dit le pot au noir (ou poto pour les intimes). La zic est la zone dans laquelle les vents et courants du sud "rencontrent" ceux du nord, ca donne au choix, un bordel monstre ou un calme total... le plus souvent accompagné de grains rapides et violents... hummm je sens que je vais adoré. En tout cas le bateau avance bien, on a 14 knt de vent apparent, un vent de Sud-Est et on file à 9 noeuds, après ses derniers jours de calme c'est un vrai plaisir... même si ça commence à bien gigoter.

Mais la vraie rentrée dans le poto se fera ce soir, à la fin de mon quart, vous allez voir ça va bouger !

Trois hommes et un moulinet

Comme souvent, je fais une petite sieste après le déjeuner (genre il est 17h), je suis réveillé par Damien qui me dit en avoir un gros... le temps que j'émerge et je comprends qu'il a ferré un gros poisson avec sa canne à pêche de compet'. Je monte donc sur le pont pour trouver Alain et Damien, tous les deux pliés sur la canne, elle même pliée sous le poids du poisson. Effectivement, ca doit être du lourd, a deux ils ont du mal a mouliner pour ramener la bête à bord. Après une âpre lutte, on voit enfin quelque chose arrivé au bout de l'hameçon... une tête de thon, mais juste la tête, le reste du corps a disparu. Rien qu'à voir la tête, Damien estime que ce thon devait bien peser dans les 20 kg et qu'il s'est sûrement fait croquer par un requin (je vous laisse imaginer la taille du requin qui croque un thon de 20 kg, comme ca, au petit dej). On voit bien que la tête à été "proprement" coupée du reste du corps. L'explication est que dans la vie, les thons sont plus rapide que les requins, c'est une sorte d'assurance vie, mais au bout d'une ligne, un thon fait moins le malin et celui là a du saigner un peu à cause de l'hameçon (j'vous raconte pas la taille des hameçons) attirant immédiatement les rorquals aux alentours qui ont bassement profité de sa petite vitesse pour en faire qu'une bouchée. De se dire qu'il y a un requin de plus de 70Kg derrière le bateau, ca calme un peu et ca fait vraiment froid dans le dos.

C'est tout ce qui reste de la prise, un requin a gobé le thon pris a l'hamecon